La capacité de s'aimer

" Je voudrais, pour conclure, dire quelques mots de l'analyse. Car c'est à travers elle que se joue le passage de la haine à l'amour.

Au départ, c'est un rapport. L'analysé parle de l'autre, il ne sait quasiment pas qu'il existe et lorsqu'il raconte son histoire, très souvent au lieu de parler de lui dans sa relation avec ses parents, il parle de ses parents dont il a adopté l'histoire. Cela peut aller à un tel point que leur histoire lui a fait oublier la sienne et le plus souvent il croit que tout s'est bien passé. Il idéalise son enfance qu'il a oubliée.

En racontant, il se souvient. Au fur et à mesure, il va parler de son histoire, de ses rapports à ses parents, à l'aide d'un psychanalyste, il va s'intéresser à l'essentiel, à savoir lui. L'analyste commence par faire parler l'analysant de son histoire, de ses souffrances, de ce qui le coince. En le faisant parler, il va entendre des choses et il va entendre un sens caché à son patient qui concerne son être.

Par les questions de l'analyste, ce qui va se mettre en action dans le déroulement de son passé, ce sont les sentiments, le ressenti, l'autoréflexion. La patient va apprendre, à force d'être entendu, à entendre ce qu'il dit, au-delà de ce qu'il voulait dire ; à force d'être écouté, à s'écouter, c'est-à-dire à prendre au sérieux ses émotions, ses sentiments, ses souffrances, en leur donnant du sens.

À force d'être questionné sur son ressenti, il va apprendre à ressentir et dérouler les méandres de tout ce qu'il ignore de lui. En retrouvant le chemin de la parole, il va retrouver le chemin de la pensée. Car en fin d'analyse, il n'aura plus besoin de parler à quelqu'un pour s'analyser, il pourra penser dans le silence à ce qui du réel l'a décentré. La fin de l'analyse, c'est le moment de la conjonction de ces trois abstractions : ressenti, silence, autoréflexion.

Lentement se construit un nouveau point de départ dans la vie : une relation avec soi-même dont on ne pressentait pas l'existence. L'individu va apprendre à se prendre en considération, à s'accepter dans toutes ses dimensons humaines, à se réintégrer, à s'aimer en autoréfléchissant ce qui vient de lui. C'est-à-dire à se penser sans se juger et à circuler différemment dans le sens, le corps et l'esprit.

Face à ses enfants comme face au monde, la psychanalyse entérine la possibilité d'être soi, seul accès possible à l'amour."